Mardi 13 octobre 2020

Représentation n°4 des Silencieuses à l’École d’ingénieur·es Télécom Paris

Retours des élèves suite au spectacle :

H1 – Je ne pensais pas qu’il y avait autant d’écrits assez récents qui affirmaient la supériorité des hommes sur les femmes. J’ai l’impression que ça explique en grande partie pourquoi c’est si difficile de changer la manière de penser et les mécanismes sexistes de notre société. J’ai aussi réalisé que j’avais l’habitude, dans un cadre hétérosexuel, que ce soient les femmes qui soient objets de désirs des hommes, toujours à sens unique.

H2 – Je trouve qu’on est tout de même habitués à être objets de désir.

N – Et est-ce que tu as l’habitude que les femmes l’expriment ?

H2 – Plutôt dans l’intimité.

N – C’est vrai. Les textes érotiques masculins que je cite étaient publiés, quant à eux. Nous avons l’habitude depuis des siècles que les hommes nomment la sexualité. Le désir masculin a droit de cité. Que pourrait-il se passer si une fille était associée au sexe dans une école comme la vôtre ?

H2 – Ça partirait sur du slut-shaming, on la traiterait comme une moins-que-rien.

N – Oui elle aurait une réputation, elle serait étiquetée. Je pense que nous allons quitter de plus en plus cette gêne, et nous habituer à ce que les femmes investissent cette parole.

H3 – Ce qui m’a interpellé dans le spectacle, c’est que ces discours misogynes se retrouvent depuis des siècles quasiment à l’identique. Ça m’a fait me sentir un peu démuni durant la première moitié du spectacle. Ce sont des choses qui me semblent tellement dures à changer, du fait de ces échelles de temps où ça s’est répété ! Ensuite vous avez mis en avant des femmes qui ont pris le contre-pied et ça m’a redonné un peu espoir. Je sens que ça va demander beaucoup de travail de sensibilisation pour faire évoluer les modes de pensée.

N – C’est fort ce que tu dis : « Ça me redonne de l’espoir ».

F1 – J’ai ressenti la même chose que lui. La perspective d’avoir autant de siècles avec le même message, c’est un peu déprimant. Nous les filles, on se rend probablement plus compte de cette histoire parce qu’on en vit encore les conséquences au quotidien. Ça me paraît essentiel que les garçons puissent assister à ce genre de spectacle.

H4 – Moi j’ai ressenti au contraire un message d’espoir à sentir le contraste qu’il y a entre ce qu’on vit aujourd’hui, et la misogynie d’il y a encore quelques décennies. Je me dis que si en si peu de temps on a autant progressé, ça va nécessairement continuer dans le bon sens.

H5 – J’ai eu plein de réflexions en même temps pendant le spectacle. Il y a des moments où j’ai ressenti une sorte de dégoût, comme si je reposais sur des fondations très sombres et bancales. Et je me rends compte que je me destine à manipuler des équations et des outils qui n’ont été créés que par des hommes.

N – N’oublie pas qu’on est dans l’amphi Rose Dieng-Kuntz, qui était une spécialiste de l’intelligence artificielle. Les études leur étaient interdites jusqu’à la fin du XIXème, mais de nombreuses femmes ont été des génies scientifiques, malgré les assignations. Elles ont été obligées d’inventer des subterfuges pour faire leurs recherches, et il est essentiel que les noms de ces femmes soient enseignés dans les écoles, pour qu’ils marquent enfin nos mémoires. C’est aussi notre travail individuel que de creuser sur le sujet. On trouve sur internet des listes gigantesques de femmes scientifiques, philosophes, compositrices, peintres, pour la plupart inconnues. Il ne dépend que de nous de les faire connaître.

F2 – Moi j’ai beaucoup de colère : je trouve ça juste énorme de prendre conscience de ces milliers d’années de haine misogyne, ça me donne la rage. Mais j’ai espoir que ça s’équilibre. Et voir ce genre de spectacle, voir les réactions de mes camarades, voir des hommes qui s’éveillent et qui se rendent compte, je trouve ça magnifique. Donc j’ai espoir quand même.

Le débat s’est terminé avec les mots de la représentante à la diversité de l’Ecole :

Les grandes Écoles se sont positionnées dorénavant dans une tolérance zéro par rapport aux discriminations et aux violences sexistes et sexuelles. Nous avons au sein de l’Ecole une cellule que vous pouvez saisir à tout moment si jamais vous vivez des actes ou des remarques malveillantes. Notre but est que vous viviez toutes et tous vos études dans un cadre bienveillant et accueillant, et nous sommes là si vous avez besoin de nous.